Crise : focus sur les aides accordées aux entreprises

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Fonds de solidarité élargi, prêts directs, mais surtout exonération des cotisations sociales et crédit d’impôt pour les loyers abandonnés… Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a présenté les différentes aides accordées aux entreprises touchées de plein fouet par la crise.

Alors que, à cause de la crise sanitaire, les entreprises du secteur de la restauration connaissent une baisse d’activité sans précédent, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, s’est exprimé sur les mesures économiques d’urgence mises en place. Si certaines sont déjà connues, d’autres viennent renforcer l’arsenal d’aides : le crédit d’impôt et la protection accrue du locataire pour répondre à la problématique des loyers et le dispositif des prêts directs. Maître Didier Bruère-Dawson, avocat associé au cabinet Brown Rudnick, apporte un éclairage sur les dispositifs annoncés.

Fonds de solidarité élargi

Le décret n° 2020-1328 du 2 novembre est venu éclairer le discours du ministre sur le fonds de solidarité, version élargie. Sont concernées les entreprises de moins de 50 salariés qui ont commencé leur activité avant le 31 août, pour les pertes de septembre, et avant le 30 septembre pour celles d’octobre et de novembre. Ainsi, les entreprises fermées administrativement entre le 25 septembre et le 31 octobre peuvent bénéficier d’une aide rétroactive égale au montant de la perte de chiffre d’affaires (CA), dans la limite, toutefois, de 333 € par jour de fermeture. Pour le mois d’octobre, les entreprises du secteur CHR, situées dans le périmètre d’un couvre-feu, peuvent bénéficier d’une aide allant jusqu’à 10 000 €. Vous avez jusqu’à fin décembre pour effectuer la requête sur impots.gouv.fr.

La perte doit s’élever à au moins 50 %. Et dans les zones hors couvre-feu, les entreprises du secteur CHR qui ont perdu entre 50 et 70 % de leur CA peuvent bénéficier au maximum de 1 500 euros d’aides. Celles qui ont enregistré une perte supérieure ou égale à 70 % peuvent recevoir jusqu’à 10 000 €, dans la limite de 60 % du CA réalisé en octobre 2019 ou du chiffre d’affaires mensuel moyen de 2019. S’agissant du mois de novembre, les structures qui ont fermé administrativement ou qui font partie des CHR peuvent demander une aide maximale de 10 000 €, et ce à partir du 4 décembre. « Ce sont des aides, l’avantage est que ce n’est pas remboursable, ni taxable, ni assujetti à charge. Le prêt garanti par l’État (PGE) reste une dette.

Les mesures d’aides et de trésorerie sont là, elles sont indispensables et bienvenues, mais ne sont pas suffisantes, note Me Didier Bruère-Dawson. Il s’agit d’un énorme effort mais les véritables sujets, ce sont les charges sociales avec la bombe à retardement des congés payés et les loyers. » Pour le mois de décembre, les exploitants pourront choisir l’aide de 10 000 € déjà en vigueur ou opter pour l’aide équivalente à 20 % de leur CA par rapport à la même période l’année dernière ou selon le chiffre d’affaires mensuel moyen constaté en 2019, dans la limite de 200 000 €, si la première solution ne permettait pas de supporter les charges. Le formulaire de demande au titre des pertes de décembre devrait être en ligne début janvier.

Exonération totale des cotisations sociales

Bruno Le Maire a annoncé une exonération totale des cotisations sociales pour les entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement. Elle bénéficie également aux PME des secteurs du tourisme, de l’événementiel, de la culture et du sport qui restent ouvertes, et qui ont enregistré une chute de leur CA de 50 %. « Ce qui est fait par le Gouvernement est bien, parce que cela laisse une gamme de possibilités aux gens : soit mon établissement est totalement fermé parce que sinon je perds de l’argent, soit j’ouvre et je peux tenter d’avoir des remises de charges sociales. C’est un système qui est assez souple et intelligent à cet égard. Mais il faut qu’il le reste. Il ne faut pas un système brutal en disant qu’on n’indemnise que ceux qui sont obligés d’être fermés » , analyse l’avocat.

Crédit d’impôts de 50 % pour le bailleur

Les loyers constituent la problématique principale des CHR. Selon Me Didier Bruère-Dawson, « 80 % des gens ne sont pas propriétaires dans la restauration. C’est le nœud des difficultés, car on ne peut pas forcer les propriétaires à renoncer à leurs loyers. Les loyers ont donc continué à s’accumuler alors qu’ils n’ont pas eu de revenus ou juste cet été. » Le ministre avait ainsi reconduit pour novembre un crédit d’impôt à hauteur de 30 % du montant des loyers abandonnés dans le cas où le bailleur aurait renoncé à au moins un loyer. Bruno Le Maire l’a ensuite porté à 50 %. Ce dispositif concerne les entreprises de moins de 250 salariés fermées administrativement ou appartenant aux CHR. « Le crédit d’impôt de 30 % est une remise fiscale : celui qui fera un cadeau aura un crédit fiscal. Cela crée un décalage de trésorerie et je ne suis pas sûr que ce sera suivi. Je pense que ce n’est pas suffisant, prévient d’emblée l’avocat. Toute aide est bienvenue, mais très honnêtement et même si cette mesure avait déjà été mise en place lors du premier confinement, c’est anecdotique par rapport à l’ampleur de la situation. Je ne comprends pas qu’on ait limité cela sur une période d’un mois. Cela étant, l’annonce de ce que la déduction est portée de 30 à 50 % du loyer est un vrai pas qu’il faut saluer car cela peut faire la différence », ajoute-t-il. En complément, la loi n° 2020-1379 du 14 novembre apporte au locataire une protection accrue en cas de défaut de paiement, y compris contre les mesures d’expulsion. Il est prévu que les « personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative [la fermeture administrative, NDLR] […] ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers […] afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée. » Cette mesure est applicable de manière rétroactive, à partir du 17 octobre, et jusqu’à deux mois après la réouverture du commerce.

Prêts directs de l’État, le dernier-né

Alors que la date limite de la demande de PGE a été repoussée au 30 juin 2021, les entreprises qui n’ont pas trouvé de solution de financement peuvent se voir accorder par l’État des prêts directs qui peuvent aller jusqu’à 10 000 € pour celles de moins de 10 salariés, et jusqu’à 50 000 € pour celles de 10 à 49 employés. Enfin, pour les entreprises de plus de 50 salariés, des avances remboursables plafonnées à trois mois de CA seront proposées.

« On s’est vanté que la France avait accordé un montant record de PGE en regard de nos voisins européens, affirme Me Didier Bruère-Dawson. En réalité, nombre d’entreprises sont passées en dessous du radar : des entreprises naissantes, qui n’avaient pas de business plan, etc. Et beaucoup de très grandes entreprises se sont fait un matelas de trésorerie grâce au PGE. De ce fait, il y a un risque d’atteinte au lien social car certains se sentent exclus, laissés au bord de la route, ce qui génère de la colère. Par conséquent, toute mesure de trésorerie, comme les prêts directs, tout ce qui est aussi prêts participatifs, est nécessaire. » 

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