La foodtech au service de l’hygiène

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Avec la crise de la Covid-19, l’hygiène est plus que jamais au centre des préoccupations. La procédure HACCP multiplie les points d’inspection, mais il n’est pas toujours facile de s’y retrouver. La foodtech intervient pour lever le voile.

L’hygiène revêt plus que jamais une importance considérable, en pleine période de crise de la Covid-19, et plus particulièrement dans le secteur des cafés-hôtels-restaurants. Lorsque ceux-ci sont ouverts, un protocole sanitaire encore plus strict entoure l’accueil des clients en salle, tandis qu’en cuisine, et depuis plusieurs années déjà, un plan de maîtrise sanitaire (PMS) doit être respecté. En effet, est entrée en vigueur le 1 er janvier 2006 une réforme européenne, appelée « paquet hygiène », portant sur l’hygiène des aliments. Elle concerne tous les acteurs du secteur de l’agroalimentaire, qui disposent d’une obligation de résultat et non pas seulement de moyens. Le PMS fait partie intégrante de ce paquet. Il est prévu dans le règlement (CE) n° 852/2004, mais ne s’applique pas à la production primaire, comme le rappelle le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Dans ce PMS figurent les bonnes pratiques d’hygiène, la gestion des produits non conformes et de la traçabilité ainsi que le plan HACCP fondé sur sept grands principes.

Cette démarche, qui peut parfois apparaître comme trop technocratique, d’autant plus qu’elle doit être mise en œuvre par des personnes de terrain, n’en reste pas moins fondamentale, aujourd’hui encore plus qu’hier. Heureusement, des solutions existent pour rendre cet acte le moins fastidieux possible et permettre aux restaurateurs d’être en règle en cas de contrôle des agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP). Avant d’aborder ces solutions offertes par la foodtech, il semble nécessaire de remonter à ses origines et de rappeler ses différentes étapes qui permettent d’assurer un contrôle optimal de la sécurité des aliments. Le sigle HACCP correspond à l’expression anglaise « hazard analysis critical control point », qui signifie en français « analyse des dangers et des points critiques en vue de leur maîtrise ». Il ne s’agit en aucun cas d’une norme, mais d’une simple méthode sur laquelle s’appuient par ailleurs les autorités. Raison pour laquelle le PMS s’inspire seulement des principes de la démarche.

Méthode à l’origine pour la NASA

La méthode HACCP a été créée aux États-Unis dans les années 1960 par, et pour, la NASA, l’agence spatiale américaine, en collaboration avec la société Pillsbury. Dès l’origine, elle a été pensée pour l’hygiène alimentaire. La démarche a en effet été conçue pour garantir aux astronautes la sécurité de leurs aliments. L’innovation réside dans la méthode qui consiste à effectuer un contrôle à chaque étape de la production, et non plus seulement un contrôle sur le produit fini. Cette multiplication des points d’inspection permet ainsi de garantir une sûreté optimale.

La méthode HACCP, créée dans les années 1960 par la NASA, repose sur sept principes visant à garantir la sécurité des aliments.

Dans les faits, la procédure HACCP s’intéresse aux dangers biologiques, chimiques et physiques, et se fonde sur les sept principes suivants :

– L’analyse des dangers, qui permet d’identifier les dangers à chaque étape de la production et de les évaluer.

– L’identification des points critiques à maîtriser (CCP), qui se révèle indispensable pour assurer la sécurité du produit.

– L’établissement des limites critiques à ne pas dépasser, permettant de connaître le moment où une action de correction sur un CCP devient nécessaire.

•La mise en place d’un système de surveillance des points critiques : les mesures d’autocontrôle sont enregistrées et conservées, prêtes à être fournies en cas de contrôle.

– La détermination et la mise en œuvre des actions correctives en cas de non-conformité : lorsque la limite critique est dépassée, il faut corriger la cause de non-conformité du produit.

– La vérification de l’efficacité des actions mises en place. Elle porte sur le système HACCP dans son ensemble pour mesurer son efficacité ainsi que celle des actions correctives.

– La mise en place d’un système documentaire : un dossier doit contenir l’ensemble des documents ayant trait à la démarche HACCP, et particulièrement les enregistrements des autocontrôles. Ces documents doivent en effet être conservés pour être présentés en cas d’inspection.

Solutions au service de l’autocontrôle

Face à cela et pour la bonne mise en œuvre du PMS, l’utilisation d’un guide de bonnes pratiques d’hygiène et d’application des principes HACCP (GBPH) est recommandée. Le GBPH à destination des restaurateurs a été élaboré en lien avec la Confédération générale de l’alimentation de détail (CGAD) et plusieurs syndicats. La version de novembre 2015 demeure celle en vigueur à ce jour. Néanmoins, malgré l’existence d’un tel guide, très fourni, la pratique peut être ardue et chronophage. Aussi les solutions offertes par la foodtech peuvent se révéler très utiles. « Le but est de simplifier les démarches. En digitalisant, on enlève la paperasse. Certaines tâches deviennent alors automatiques, explique Selma Essafi, chargée de communication et marketing de Traqfood, créée en 2015. Les fondateurs, Rudy Hattab, qui a créé son organisme de formation en hygiène à destination des restaurateurs, et Jonathan Sellam, restaurateur, sont confrontés au quotidien à ce problème.

Ils se sont dit qu’il fallait créer un outil pour rendre cette tâche plus simple. » Traqfood est proposée au paiement au comptant ou par abonnement. « Il y a l’offre starter, à 19,99 € HT/mois, qui est 100 % en ligne, avec des tutoriels, démonstrations, mais il existe un support client en cas de besoin. L’offre manager, à 39,99 € HT/mois, offre un accompagnement. On peut former le manager et ses équipes de manière illimitée sur le fonctionnement de l’application, et on s’occupe du paramétrage car les besoins diffèrent d’un client à un autre, c’est personnalisable. »

Traqfood est proposée au paiement au comptant ou par abonnement.

Hygiene Expert HACCP, anciennement MyPackHygiene, a été commercialisé par Hygiene Expert fin 2019. « Les fabricants de produits d’hygiène nous ont fait remonter les besoins des restaurateurs. On a ensuite étudié le marché », précise Anthony Chevallier, directeur de la division hygiène au sein de Altis+, entreprise qui a racheté Hygiene Expert en septembre 2020. L’application est proposée à partir de 29 € HT/mois.

« Toutes les offres comprennent un volume de données et de nombre d’utilisateurs illimités, la formation à l’utilisation en ligne, ainsi que l’assistance et la maintenance. En termes de service, on a 300 techniciens de terrain qui interviennent pour faire les installations. C’est une vraie force de ce côté-là », souligne-t-il.

Traçabilité, contrôle des températures… 

S’agissant de Netresto, il n’est pas question de parler de start-up pour Aurélien Damour, directeur général du groupe Saros, qui développe l’application : « On a l’enseigne La Criée, on est une boîte familiale. Le développement de Netresto a été conçu pour nos besoins. On a commercialisé la solution HACCP parce que cela marchait. Il y a une quinzaine de start-up sur le marché. Je ne sais pas si en soit cela justifie un tel engouement. Nous, il reste un module annexe, contrairement à MyPackHygiène et Traqfood qui ont mis le paquet. La démarche, c’est que nous sommes les premiers utilisateurs de notre solution. Mais les start-up accélèrent cette digitalisation. Ils sont jeunes, ils ne lâchent rien. Tout ce qui est dynamique est bien. Le problème, c’est quand il y a des fonds qui deviennent démesurés. » La solution HACCP est en effet pensée comme un complément aux solutions RH et gestion des matières : « C’est un plus que je peux mettre à la disposition du client. » L’abonnement comprend toutes les mises à jour, le support, le service client et le stockage des données.

L’application HACCP vient en complément des solutions RH et Gestion des matières proposées par Netresto.

Les trois applications proposent des fonctionnalités similaires. Au titre de celles-ci, se trouvent la traçabilité, le contrôle des températures avec un relevé automatique possible grâce à des sondes installées dans les chambres froides, l’impression d’étiquettes de DLC secondaires ou encore la numérisation des documents à présenter lors d’une inspection. Pour l’utilisation de ces applications, du matériel adapté est prévu : tablette résistante aux chocs, imprimante, capteurs de température. Un pack avec tablette professionnelle est ainsi proposé par Traqfood à 49,99 € HT/mois, ainsi qu’un pack avec capteurs de température à 74,99 € HT/mois. Du côté d’Hygiène Expert, « on monte en offre. On peut avoir l’application mobile, plus la tablette, plus les sondes. On crée un ensemble. On fait une formule locative qui permet aux clients de ne pas sortir de la trésorerie », explicite Anthony Chevallier.« On recommande du matériel qu’on peut acheter de son côté ou auprès de Netresto », précise pour sa part Aurélien Damour.

L’hygiène, une priorité

« L’avantage de toutes ces solutions, c’est qu’aujourd’hui, les restaurateurs font leurs autocontrôles. Avant, il n’y avait que le multi-sites qui faisait ces contrôles-là. C’est une vraie aide pour le restaurateur, cela l’intègre dans un process, dans une démarche, il ne peut pas dire qu’il ne sait pas. Il est obligé de s’inscrire dans une démarche forcément positive pour l’hygiène des cuisines », résume Aurélien Damour. L’hygiène redevient ainsi une priorité, ce qui constitue sans doute le point positif qui ressort du marasme de la crise sanitaire. « La crise a permis une vraie prise de conscience en termes d’hygiène. On sent que les restaurateurs s’inquiètent beaucoup plus qu’avant. C’est un peu un mal pour un bien. L’hygiène est très importante. Il y a une attention particulière à être impeccable », note ainsi Selma Essafi.

« Les études démontrent aujourd’hui qu’elle est devenue le deuxième critère de choix alors qu’il n’était que le quatrième avant la crise. Déjà les restaurateurs y étaient confrontés car il y a des contrôles, mais aujourd’hui c’est un critère de choix beaucoup plus important pour les consommateurs. Pour que tout soit parfait, il faut des outils », explique pour sa part Anthony Chevallier. « Concernant ceux qui sont sensibles à l’hygiène, pour moi cela ne change rien. D’autres vont en revanche se sentir obligés de se mettre en règle car ils savent qu’ils vont être contrôlés. Avec la crise qu’on traverse, il y a des choses positives qui vont rester. Le port du masque se passe très bien et fait forcément progresser l’hygiène. Mais, dans l’absolu, dans la cuisine, cela ne va pas changer grand-chose », tempère Aurélien Damour, qui souhaite aider un secteur en difficulté : « On cherche un moyen pour mettre à disposition cet outil, de manière gracieuse pour soutenir la profession. C’est le moment de se poser la question, alors que les restaurateurs connaissent des baisses d’activité sans précédent. » 

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